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La suie, le sel et le sable  
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Johnny Carter
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Posté le 29/05/2020 à 12:53:26. Dernière édition le 29/05/2020 à 13:48:01 

Août 1712, Crique pirate, Bar de la plage

Une petite embarcation perce les vagues et l'écume avant de venir s'abîmer sur le sable encore froid du matin. Le soleil montre ses premiers rayons et les oiseaux chantent déjà la nouvelle journée. Le passager de la petite barque aperçoit une petite plage surplombée de relief et de végétation tropicale.



"Voilà on est arrivé à destination, crie le contrebandier.
- Je ne vois pas la ville c'est normal ? demande l'anglais.
- Ah ah ! T'es un mec bien drôle mon gars, fallait allonger l'or pour arriver à la ville. Là t'avais à peine de quoi te payer le voyage je te rappelle, ici tu vaux pas plus que les crevettes dans ces tonneaux. En fait tu vaux même moins à vrai dire.
- Moins qu'une crevette ou qu'un tonneau de crevettes ?
- Je voudrais pas te vexer... Allez finit de lésiner au boulot, faut mériter sa pitance ici !"

Le contrebandier passe les caisses vaseuses à Johnny, et ce dernier doit ensuite les déposer plus loin sur la plage, jusqu'à la terrasse de fortune d'une bicoque : Le Bar de la Plage. Il trébuche dans le sable et tombe régulièrement pour le plus grand rire de son passeur. Faut dire que l'anglais n'a pas l'habitude de fouler le sable, encore moins en portant des marchandises qui s'échappent de ses mains.

"Allez mon gars ! Dépêche toi de faire rouler les tonneaux de crevettes, Jacquot là il en a besoin pour préparer ses liqueurs et faut pas le faire attendre.
- Facile à dire quand on reste dans la barque.
- Hé ho ! Je te rappelle que je t'ai fait une fleur parce que t'as une bonne tronche, alors un peu de tenue. En plus si tu te fais bien voir, ça se trouve l'Jacquot il va t'offrir une soupe de tortue ha ha !
- De la tortue ?, Johnny est interloqué.
- Ouais ça se mange, faut juste la faire mijoter dans un bouillon très longtemps, c'est un peu de la carne."

Johnny arrive enfin au dernier tonneau. Il galère à le faire rouler sur la plage humide, à chaque tour c'est un plus de sable et de poids qui s'ajoute à sa besogne. Il transpire à grosses gouttes dans une chaleur humide déjà trop pesante pour un anglais habitué à un autre climat.

"
Voilà mon gars, enfin "my boy" comme vous dites par chez vous. Allez c'est ma tournée, je m'en vais te présenter au taulier et aux gredins qu'ont dû passer la nuit ici pour cuver leur mignonnette.
- Et la ville ?
- T'en fais pas je te dis, tu vas voir ici c'est le paradis !"

Les deux hommes s'éloignent de la barque après s'être assurés qu'elle ne file pas avec la marée et arrivent au pas de la porte du Bar de la Plage.

Spoiler
Le dessin est de Constance, on peut en retrouver d'autres ici : https://www.pirates-caraibes.com/fr/index.php?u_i_page=25&u_i_type=6
Johnny Carter
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Posté le 01/06/2020 à 21:01:18. Dernière édition le 18/06/2020 à 23:31:18 

Août 1712, Crique pirate, Bar de la plage (suite)

Un grincement de charnière et un courant d'air annoncèrent l'entrée du contrebandier et de l'anglais à l'intérieur du bar. Quelques bougres présents ne sachant plus s'ils devaient se lever ou au contraire partir dormir quelques heures jetèrent rapidement un œil aux deux arrivants.

Derrière le comptoir, Jacquot était déjà entrain de brailler. Il salue le contrebandier et dévisagea son compagnon de voyage. Johnny était vêtu de guenilles mouillées et saupoudrés de sable, non rasé et visiblement fatigué par le voyage. La couleur rougeâtre de son visage et sa façon de marcher renseignèrent rapidement le taulier des lieux sur sa personne

"C'est que tu nous ramènes encore un naufragé ? Je parie le secret de ma recette de soupe de tortue que celui-là il est bien anglais, ça c'est sûr, y'a qu'à voir sa dégaine pour ça !, s'écria Jacquot.
- Ha ha, on te la fait pas à toi mon Jacquot, oui c'est un bien une britannique personne, c'est lui qui t'a posé la marchandise, lui répondit le contrebandier.
-
Je sais pas où tu les trouves mais à chaque fois il en vient des plus gringalets. Bon, la même chose que d'habitude je suppose ?"

Le contrebandier acquiesce et s'installe, invitant du regard Johnny à venir s'asseoir à ses côtés au comptoir. Jacquot sert une bouteille de laquelle s'échappent des vapeurs d’éthanol et de mirabelle, et il pose un bol de soupe en face de l'anglais.

"Tiens mon gars, t'en auras besoin pour te retaper. Bon, vu ta carrure c'est peut-être un mauvais investissement de te nourrir vu la durée moyenne de survie des gars de ta trempe.
- T'es dur Jacquot, il est pas très costaud mais tout en nerf. Et c'était la deuxième fois qu'il marchait sur une plage, t'aurais dû voir ça, une vraie anguille.
- Ouais, t'as raison, après tout il vient bien d'une île aussi, c'est la même merde ici à quelques différences près."

Johnny après avoir avalé sa cuillerée de soupe se risqua à relancer par une question.

"C'est différent comment ?
- Hé tu me fais quoi là ?, Jacquot mine de lancer une bouteille à la tête de Johnny qui feinte d'esquiver. Primo, on parle pas quand on mange ! Deuxio on parle pas quand on t'a pas donné la parole ! Tertio on parle pas quand on est anglais !"

Puis Jacquot éclate de rire.

"Mais non je rigole, allez fais pas cette tête, je te charrie. En fait les différences tiennent en quelques points..."
Johnny Carter
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Posté le 18/06/2020 à 23:29:57. Dernière édition le 18/06/2020 à 23:37:26 

Août 1712, Crique pirate, Bar de la plage (suite)

"En fait les différences tiennent en quelques points..."

Jacquot avait l'art d'attirer l'attention dans son bar, Johnny se saurait cru à l'église face au pasteur qui sermonnait d'un regard plein d'autorité. Le contrebandier regardait attentivement d'un air amusé, comme s'il savait la pièce qui allait se jouer.

"Le premier point, et sans doute le plus important, ici ce ne sont pas des gitans qui vivent en nomade, mais des indigènes. Pour certains ce sont des sauvages pratiquant la magie et le sacrifice humain, ou bien de la main d’œuvre bon marché pour les esclavagistes, ou bien encore des réserves d'or pour les plus avares. Et pour une poignée seulement, des compagnons d'aventure, voire des amis.
- Ah ça c'est bien vrai, acquiesce le contrebandier, en plus ce sont de bons clients ils te paient rubis sur l'ongle.
- J'ai pas de conseils à te donner, mais vaut mieux les considérer comme les propriétaires de l'île. Dis-toi que t'es locataire et que la caution c'est ta vie, ça t'évitera de finir en haut du temple de Calakmul à admirer ton cœur arraché dans la main d'un prêtre."

Jacquot essuyait les verres machinalement et n'ajoutait plus rien depuis plusieurs minutes. Johnny se risqua à lui demander le deuxième point.

"Et les autres différences ?
- Y'en a pas, répondit froidement Jacquot avant de retourner à ses besognes.
- Faut dire ça s'est bien dégradé, poursuivit le contrebandier, avant tout glissait sur l'eau comme une chaloupe sur un lac sans vague. Mais depuis, les choses ont bien changé.
- En tout cas ce qui change pas c'est que moi j'ai la vessie bien pleine ha ha ! ajouta un poivrot qui venait de se lever pour sortir uriner dehors.
-
Bon l'anglais si tu veux aller te pieuter faire une petite sieste, à l'étage y'a quelques paillasses qui sentent pas trop mauvais, on partira à la tombée de la nuit pour rejoindre New Kingston. Faut que je fasse les comptes."

Johnny ne se fie pas prier pour monter s'allonger. Une fois passé l'échelle, il aperçut la fameuse paillasse au milieu de caisses et de barils similaires à ceux qu'il avait traîné toute la matinée. Il tâcha d'arranger la paille conformément à la forme de son dos et ne mit pas plus de cinq minutes à s'endormir.

Cinq minutes à repenser à la longue traversée qu'il avait fait.

Cinq minutes à se demander s'il aurait pas mieux valu se noyer pendant le voyage.
Cinq minutes à repenser aux dernières années de sa vie qui l'avaient conduit loin de sa région natale.
Cinq minutes à demander comment il était possible de penser plusieurs années en seulement cinq minutes.
Cinq minutes pour pleurer d'angoisse en silence.
 

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